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Floodings in Tenenkou
Une équipe de MSF poursuit son chemin à pied pour atteindre un quartier abritant de nombreuses personnes déplacées par les pluies torrentielles et les inondations à Tenenkou, au Mali, en août 2024.
© Mohamed Dayfour Diawara

Bilan de l’année 2024

Une équipe de MSF poursuit son chemin à pied pour atteindre un quartier abritant de nombreuses personnes déplacées par les pluies torrentielles et les inondations à Tenenkou, au Mali, en août 2024.
© Mohamed Dayfour Diawara

En 2024, des millions de personnes ont encore été exclues des soins de santé ou ont dû faire face à des épidémies et à des crises, comme des guerres, des conflits et des risques naturels, dans plus de 75 pays. Les quelque 69 500 membres du personnel de Médecins sans frontières (MSF) leur ont prêté assistance comme ils et elles le pouvaient. 

Conflits au Moyen-Orient

Depuis les attaques du Hamas le 7 octobre 2023, les forces israéliennes mènent une guerre contre la population de Gaza qui a des effets dévastateurs sur la vie des communautés palestiniennes. La guerre a avivé les tensions et l’insécurité dans une grande partie du Moyen-Orient, et aggravé le conflit au Liban et au Yémen.

Les forces israéliennes ont lancé une campagne implacable mêlant frappes aériennes et incursions terrestres depuis le nord de la bande de Gaza jusqu’à la frontière sud, détruisant des quartiers entiers. Nos équipes ont soigné des milliers de personnes souffrant de blessures de guerre, de diarrhées, de maladies de peau et de traumatismes psychologiques, ainsi que des femmes enceintes et des enfants. 

Cependant, les forces israéliennes ont entravé nos efforts pour intensifier les activités : elles ont assiégé la bande de Gaza et imposé des contrôles administratifs et logistiques lourds sur les biens qui y entrent. Les camions de fournitures médicales essentielles ont été régulièrement bloqués. L’insécurité a contraint nos équipes à se retirer et à interrompre les activités, avant de les reprendre en s’adaptant à une situation en constante évolution. Au moment où nous écrivons ces lignes, onze collègues de MSF ont péri depuis le début de la guerre ; ils et elles nous manquent et nous pleurons leur perte.

Les communautés de Cisjordanie en Palestine ont aussi souffert des retombées de la guerre à Gaza. Les forces israéliennes ont infligé des niveaux de violence effroyables aux communautés et aux camps de personnes réfugiées. Elles ont détruit des maisons, tué et mutilé des individus lors d’incursions qui ont parfois duré plusieurs jours. Pendant ces périodes, elles ont imposé de sévères restrictions de mouvement aux gens qui ne pouvaient plus quitter leur quartier, même pour chercher – ou dispenser – des soins. Malgré ces mesures inhumaines, nos équipes se sont efforcées d’atteindre les communautés dans le besoin. 

Al Aqsa Hospital - Karin Huster
Un afflux de patients grièvement blessés arrive à l’hôpital Al-Aqsa après que les forces israéliennes ont intensément bombardé la zone centrale de la bande de Gaza, y compris le camp de réfugiés d’Al-Nuseirat, dans la matinée du samedi 8 juin 2024. Palestine, juin 2024.
Karin Huster/MSF

Les hostilités qui couvaient entre Israël et le Hezbollah au Liban depuis les attentats d’octobre 2023 ont éclaté fin septembre 2024. Les forces israéliennes ont envahi le Liban et lancé des frappes aériennes généralisées, notamment sur Beyrouth, la capitale. La campagne a certes été courte. Mais elle a été extrêmement dure pour les équipes et les personnes soignées qui ont souvent dû être évacuées pour échapper aux incursions ou aux bombes. En réaction, nous avons étendu nos activités dans les zones auxquelles nous avions accès, en organisant des cliniques mobiles et en donnant du matériel.

Début décembre, le régime d’Assad en Syrie est tombé après une offensive des forces d’opposition. En fin d’année, nos équipes étudiaient les moyens de fournir des soins dans les régions auxquelles MSF n’avait plus accès depuis plus d’une décennie.

Guerre civile au Soudan

En 2024, le conflit au Soudan est entré dans sa deuxième année. Les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide ont continué de se battre dans de vastes régions du territoire et les contraintes bureaucratiques et sécuritaires imposées par les belligérants ont compliqué notre capacité de réaction. Ces limites ne nous ont pas permis de répondre à l’ampleur des immenses besoins de la population. De plus, des situations de déplacement massif, de famine et de violence ont été ignorées ou gravement négligées du fait de l’absence d’autres organisations humanitaires et du manque d’aide dans de nombreuses régions. 

Girl Skull X-Ray -64
Une fillette touchée par des éclats d’obus lors d’une explosion alors qu’elle faisait des courses avec sa mère passe une radiographie à l’hôpital universitaire Bashair. Pendant l’examen, un fragment de sa calotte crânienne est tombé sur la table. Soudan, novembre 2024.
MSF

Au Darfour, le camp de personnes déplacées de Zamzam et la ville voisine d’El Fashir assiégés depuis mai n’ont pratiquement reçu aucune fourniture médicale ni aliment thérapeutique. La malnutrition dans le camp a atteint un tel niveau que la famine a été déclarée en août.1 Mais le manque de fournitures a contraint MSF à cesser le traitement ambulatoire de la malnutrition en octobre. Pendant l’année, nous avons aussi dû évacuer El Fashir à cause de l’insécurité et du bombardement d’hôpitaux.

Au Soudan ainsi qu’au Tchad et au Soudan du Sud, les pays voisins où beaucoup de communautés soudanaises ont fui, nos équipes ont soigné des personnes qui souffraient de traumatismes graves causés par des explosions et des violences sexuelles, mais aussi de choléra, paludisme et hépatite E, des maladies qui se propagent rapidement dans les contextes de conflit et de déplacement.

Crises oubliées

La violence entre groupes armés et police s’est encore intensifiée à Port-au-Prince, la capitale haïtienne devenue l’un des endroits les plus dangereux pour nos équipes. Le système de santé s’est effondré et beaucoup de gens sont contraints de vivre dans des lieux de fortune, avec un accès limité à l’eau potable et aux services d’assainissement. Mi-novembre, après l’attaque d’une ambulance de MSF par la police et des groupes d’autodéfense qui ont exécuté deux malades, et aspergé de gaz lacrymogène et menacé les membres du personnel qui les accompagnaient, nous avons temporairement suspendu toutes nos activités à Port-au-Prince. En fin d’année, nous en avions relancé certaines. 

Violence in Port-au-Prince -19
Vue de Delmas 18 après un affrontement entre des groupes armés et la police. Haïti, mars 2024.
Corentin Fohlen/Divergence

Au Myanmar, le conflit en cours dans l’État d’Arakan provoque des souffrances et des déplacements massifs. Pourtant, il a très peu attiré l’attention de la communauté internationale. Des vies et des biens ont été délibérément détruits et de nombreuses personnes ont été enrôlées de force dans l’armée. Malgré les restrictions sévères pour nos activités et les attaques répétées contre nos infrastructures, nos équipes ont essayé autant que possible de fournir des soins autrement, notamment par téléconsultation.

Depuis janvier, les combats entre l’armée congolaise, le M23 et d’autres groupes armés se sont intensifiés au Nord- et au Sud-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC). Les populations et les structures médicales y ont été prises entre deux feux. MSF a offert une aide médicale et humanitaire dans plusieurs sites, notamment autour de Goma, la capitale du Nord-Kivu, où près d’un million de personnes déplacées ont trouvé refuge en mai.

Dans les pays du Sahel, comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger, nos équipes ont continué de répondre autant que possible aux besoins des communautés en proie à la violence et à la malnutrition. Mais nos activités ont été limitées aussi bien par l’insécurité que les contraintes imposées par les États et les groupes armés.

Attaques contre les soins de santé

En 2024, nous avons enregistré une forte hausse du nombre d’incidents de sécurité touchant le personnel, les installations et les infrastructures de MSF. Cela témoigne d’une plus grande proximité des opérations de MSF avec les lignes de front des conflits armés et de la volatilité des conditions de sécurité dans nombre d’endroits où nous travaillons, comme la Palestine, Haïti, le Soudan et la RDC. Certains événements – fusillades, explosions, raids de groupes armés sur nos installations, attaques contre nos ambulances – ont conduit MSF à suspendre des activités médicales. La décision d’interrompre nos services, même temporairement, n’est jamais prise à la légère. Car ce sont finalement les communautés locales qui perdent l’accès à des soins dont elles ont désespérément besoin.

Ces événements ne touchent pas seulement MSF mais l’ensemble de la communauté humanitaire et ils illustrent le quotidien des personnes que nous aidons. Aujourd’hui, les groupes armés étatiques et non étatiques violent de plus en plus souvent et de manière flagrante le droit international humanitaire, qui est censé protéger le personnel médical et les infrastructures. Ils réduisent l’espace dans lequel les humanitaires peuvent travailler en sécurité. 

Violence sexuelle

La violence sexuelle est répandue dans beaucoup de régions où nous travaillons, notamment dans les contextes de conflit. Au Soudan, elle est utilisée comme arme de guerre. En RDC, les chiffres sont particulièrement élevés : en 2023, nos équipes ont traité deux victimes de violence sexuelle toutes les heures, soit plus de 25 000 personnes dans cinq provinces. Cette tendance s’est encore lourdement accentuée en 2024 : nous avons traité près de 17 500 personnes au cours des cinq premiers mois, dans les seuls sites de déplacement autour de Goma, au Nord-Kivu.

Dans le Darién Gap, entre la Colombie et le Panama, et ailleurs le long des routes migratoires d’Amérique centrale, comme au Mexique et au Guatemala, nos équipes ont traité de nombreuses femmes et jeunes filles violées ou agressées sexuellement par des groupes criminels en 2024.

Communautés migrantes

En décembre, nous avons dû mettre fin à nos activités de recherche et sauvetage en Méditerranée centrale avec notre navire, le Geo Barents. Le climat politique hostile et de nouvelles lois sur l’immigration en Italie ont en effet rendu notre modèle opérationnel intenable. Cette décision a été prise après que le Geo Barents a reçu plusieurs ordres d’immobilisation de 60 jours. Comme dans l’Union européenne, les lois et politiques italiennes témoignent d’un véritable abandon des vies des personnes en quête de refuge et de sécurité. 

Dead bodies transshipment - Rotation 58
Le 8 juin, sur instruction des autorités italiennes, les corps de 11 personnes repêchés en mer Méditerranée la veille sont transférés par l’équipe du Geo Barents vers un navire des garde-côtes italiens, près de Lampedusa. Mer Méditerranée, juin 2024.
Frederic Seguin/MSF

La plupart des individus qui traversent la Méditerranée embarquent en Libye, où ils ont été victimes de violence et d’abus extrêmes. MSF a soigné des personnes atteintes de traumatismes mentaux et physiques à la suite d’enlèvements, de traite, d’agressions et abus sexuels, et de maladies exacerbées par des conditions de vie désastreuses et le manque de soins. Dans ce contexte, nous avons négocié avec succès l’évacuation vers l’Italie de personnes nécessitant une prise en soin urgente.

Les communautés qui empruntent la route migratoire entre l’Amérique du Sud et l’Amérique du Nord continuent de subir des abus physiques et mentaux. Nous avons travaillé au Panama, au Costa Rica, au Honduras, au Guatemala, au Mexique et aux États-Unis pour leur fournir des soins médicaux et en santé mentale.

Outre la réponse d’ampleur aux besoins des personnes déplacées en RDC, au Soudan du Sud ou au Soudan, MSF est aussi intervenue dans des régions comme le Mali et le Mozambique. À Niafounké au Mali, nous avons fourni des soins aux personnes fuyant le conflit entre groupes armés non étatiques et armée malienne. Dans la province de Cabo Delgado au Mozambique, la violence continue de forcer les gens à quitter leur foyer. 

Répondre aux crises médicales

Depuis 2022, nos équipes ont répondu à un cycle ininterrompu de grandes épidémies de choléra, notamment au Yémen, au Soudan, au Soudan du Sud et en RDC, des pays marqués par les conflits et les déplacements, deux moteurs de cette maladie hautement contagieuse et potentiellement mortelle. En 2024, nous avons aussi mené des activités dans des pays comme les Comores où MSF n’avait jamais travaillé avant, la Zambie où MSF est retournée pour la première fois depuis 2018, et la Tanzanie. Notre réponse à ces épidémies prolongées de choléra a été entravée par une pénurie de vaccin oral causée par la forte demande, et le fait qu’un des principaux fabricants a cessé la production. 

Kebbi Malnutrition Crisis 10
Maryam Muhammad, superviseure de la promotion de la santé pour MSF à Kebbi, donne à manger à un enfant lors d’une démonstration de la recette de Tom Brown dans le village de Maishaka, État de Kebbi, nord-ouest du Nigéria, janvier 2024.
Georg Gassauer/MSF

Tout au long de l’année, les équipes de MSF ont soigné un grand nombre d’enfants, mais aussi de plus en plus des femmes, souffrant de malnutrition, en particulier en Afghanistan et au Yémen. Nos équipes ont relevé des taux désastreux de malnutrition dans certaines régions du Darfour, au Soudan, ainsi que dans l’État de Zamfara au nord-ouest du Nigéria. Un dépistage de masse effectué en juin y a révélé que, dans deux régions, un enfant de moins de cinq ans sur quatre en souffrait. Cette crise est aggravée par une diminution globale du financement de la lutte contre la malnutrition, qui a réduit la disponibilité d’aliments thérapeutiques prêts à l’emploi utilisés en traitement et en prévention.

En 2024, une épidémie de variole, une maladie virale contagieuse qui peut être mortelle si elle n’est pas traitée, a commencé à se propager en RDC, puis dans d’autres pays d’Afrique. En août, l’Organisation mondiale de la santé l’a déclarée urgence de santé publique de portée internationale. Nos équipes sont intervenues en RDC, en République centrafricaine et au Burundi. 

Réduction de l’espace pour l’aide humanitaire

Nous avons dû mettre fin à nos activités médicales en Russie au mois d’août, après 32 ans, lorsque le ministère russe de la Justice a décidé de retirer l’agrément de la section MSF qui gérait nos projets. Le coup a été dur pour les communautés que nous soignions dans le pays, notamment les personnes atteintes de tuberculose dans la région d’Arkhangelsk, celles vivant avec le VIH à Moscou et à Saint-Pétersbourg, ainsi que les personnes réfugiées et déplacées à l’intérieur du pays à cause de la guerre en Ukraine. Nous souhaitons retourner en Russie, lorsque les autorités nous y autoriseront.

Ces dernières années, le financement de l’aide humanitaire a diminué, comme en témoignent les lacunes croissantes dans les soins et les besoins de plus en plus importants dans les pays où nous intervenons. Cette tendance s’est malheureusement poursuivie en 2024 et 2025 car de nombreux pays ont réduit ou réorienté les fonds destinés à l’aide. 

MSF n’est pas directement affectée par ces baisses de financement mais cela nous préoccupe beaucoup. Car aucune organisation ne peut à elle seule combler l’énorme trou dans le système d’aide internationale. Nos équipes restent néanmoins déterminées à fournir une aide médicale humanitaire indépendante et impartiale aux personnes qui en ont besoin.

*Directrices et directeurs des opérations de MSF : Dr Ahmed Abd-elrahman, Akke Boere, Renzo Fricke, William Hennequin, Dr Sal Ha Issoufou, Kenneth Lavelle, Mari Carmen Viñoles Ramon

  • Comité d’examen des situations de famine du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire.

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Interview 2 Avril 2025