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Hopital Provincial de Réference de Kananga

Violences sexuelles dans le Kasaï Central « après le retrait de MSF, la mobilisation de tous les partenaires s’impose »

Responding to war in Ukraine
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• En 2017, en réponse à la crise du « Kamuina Nsapu », MSF lançait un projet de prise en charge des victimes de violences sexuelles à Kananga

• Après plus de 6 ans d’appui médical à l’hôpital provincial et à une dizaine de centres de santé, MSF peut passer la main aux autorités sanitaires

• Pour surmonter certains défis, MSF appelle à une mobilisation accrue de tous les partenaires pour maintenir une prise en charge optimale pour les survivants

En août 2016, un conflit sanglant éclate au Kasaï Central, entre les milices Kamuina Nsapu et les forces de l’ordre congolaises. Embrasant rapidement l’ensemble du grand Kasaï, cette crise plonge la région dans une situation humanitaire sans précédent : les massacres et opérations de représailles s’enchaînent ; plus de 1,5 million de personnes sont déplacées et des dizaines de milliers trouvent refuge en Angola ; des familles entières sont divisées tandis que des filles, des femmes et des hommes sont violés ou forcés de violer.

Face à cette crise, MSF décide d’intervenir pour soigner les victimes de traumas (violences physiques) à l’hôpital provincial de référence de Kananga (HPRK) et organiser des cliniques mobiles. 206 victimes de traumas ont été soignées.

Communiqué de presse sur le désengagement à Kananga pdf — 234.17 KB Télécharger

« Quand nous sommes arrivés sur place, les patients affluaient en très grand nombre », se souvient Jimmy Matumona, Chef de Mission adjoint de MSF en RDC. « Beaucoup de structures de soins avaient été pillées. Les besoins étaient partout. Mais rapidement, nous avons compris que l’ampleur des violences sexuelles nous appelait à en faire une priorité, tant dans la prise en charge médicale que psychologique. »

Les violences sexuelles, au-delà de la crise

Si, au fil des mois, la crise armée s’est estompée, le nombre de survivants de violences sexuelles admis par les équipes de MSF s’est maintenu à un niveau très inquiétant et élevé. Leur prise en charge gratuite et la formation du personnel médical sont dès lors devenues le socle des activités MSF à Kananga. Alors que seules 25 à 30 victimes se présentaient chaque mois à l’HPRK début 2018, les efforts de sensibilisation ont permis d’accroître l’information et la confiance dans la prise en charge et de permettre à davantage de patients d’être soignés.

« En plus de l’appui à l’hôpital de Kananga, nous avons décidé d’investir dans la communauté pour lutter contre ce fléau », poursuit Jimmy Matumona. « Nous avons initié notre prise en charge dans une dizaine de petites structures de soins décentralisées et soutenu la sensibilisation communautaire afin de permettre à la population de s’approprier la lutte contre ce phénomène. Nous avons formé des ambassadeurs communautaires pour diffuser des informations sur les violences sexuelles au plus grand nombre et ainsi lutter contre les tabous et idées reçues qui stigmatisent les victimes. »

En six ans, plus de 16 000 survivants de violences sexuelles ont ainsi été soignés par MSF. Cette prise en charge médicale était aussi accompagnée du volet de la planification familiale : 7422 femmes ont bénéficié de services de planification familiale. En décembre 2022, MSF a pu transférer la gestion du centre de prise en charge des violences sexuelles de l’HPRK aux autorités sanitaires tout en maintenant l’appui à trois centres de santé, dont ceux de Tshimputu et Nkonko 1, soutenus jusque fin septembre 2023.

« Au fil des années, 70 personnels de l’HPRK et de 8 centres de santé ont acquis les compétences requises pour assurer des soins de qualité aux patients. Il est donc temps de leur laisser la main afin de nous déployer sur d’autres urgences », explique Faïda Kyamba, coordonnatrice MSF du projet de lutte contre les violences sexuelles à Kananga.

Sur le volet préventif, MSF a aussi installé trois forages d’eau dans les zones de santé de Luandanda, Mbumba et d’Appolo. Face aux difficultés d’accès à l’eau potable, les populations s’approvisionnent majoritairement dans des sources non aménagées, souvent éloignées de leurs domiciles, exposant davantage les femmes aux risques d’agression pendant ce trajet.

« Certaines victimes témoignaient s’être faites agressées pendant qu’elles allaient puiser de l’eau. Ces forages permettront de réduire le risque de violences sexuelles dû à la distance qui les séparent des sources d’approvisionnement», explique Faïda.

Des défis « inquiétants », une mobilisation urgente

Les violences sexuelles restent une réalité inquiétante dans le Kasaï Central, et renforcer la qualité de la prise en charge médicale et psychologique par les équipes du Ministère de la Santé était donc crucial. Toutefois, la fin de l’appui apporté par MSF lève le voile sur des défis déjà bien visibles pour l’avenir. Entre autres, l’épineuse question d’approvisionnement en intrants médicaux : plusieurs structures de santé, dont l’HPRK et le centre de santé Apollo, y font déjà face.

« La prise en charge des survivants de violences doit être disponible, gratuite et de qualité. Nous appelons à une couverture efficiente des formations sanitaires via l’approvisionnement en intrants qui correspond aux besoins réels. Cela passe notamment par la couverture géographique équitable des acteurs humanitaires dans la zone en matière des violences sexuelles. », renchérit-elle.

Les survivants de violences sexuelles sont encore rejetés et stigmatisés par la communauté. MSF n’a également eu cesse d’appeler à davantage d’investissement dans l’appui socio-économique en leur faveur.

« Beaucoup se retrouvent dans une grande précarité économique. Elles ont besoin d’abris, de nourriture, d’un accès à des formations, à l’éducation et à un emploi », explique Faïda Kyamba. « Cela nécessite une présence et une mobilisation bien plus forte de tous, particulièrement des organisations d’appui aux victimes afin de soutenir tous les aspects de la prise en charge holistique des victimes. »

Notes

  • Plus de 16 000 patients de violences sexuelles ont été traités, 7422 femmes ont bénéficié de services de planification familiale, 70 personnels du ministère de la Santé formés à la prise en charge des violences sexuelles, huit centres de santé et un Hôpital de référence soutenus. Sur le volet nutritionnel, plus de 2600 patients atteints de la malnutrition ont été traités.

 

  • Si l’appui de MSF dans la prise en charge des victimes de violences sexuelles s’arrête ce 30 septembre 2023, l’organisation médicale-humanitaire restera néanmoins présente au Kasaï Central à travers son bureau de veille et détection afin de surveiller l’évolution dans la zone, et se tient prête à répondre en cas de crises sanitaires et/ou humanitaires nécessitant l’appui de ses équipes.