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Salamabia Sexual Violence

Salamabila : une nouvelle approche pour lever les tabous autour des violences sexuelles

Responding to war in Ukraine
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Dans la zone minière de Salamabila, dans la province du Maniema, les femmes demeurent la couche de la population la plus impactée par les différentes formes de violences et notamment sexuelles. Plus de 2600 victimes ont été prises en charge entre février 2022 et janvier 2023, soit environ 217 personnes par mois et 54 par semaine. Au courant de la même année, deux augmentations anormales du nombre des victimes ont été observées : en septembre 2022 quand les cas ont pratiquement doublé ou encore en décembre, avec une augmentation de 20% de victimes. Aussi, entre novembre 2022 et janvier 2023, 79 cas ont été pris en charge par semaine. Ces augmentations sont directement liées au regain des violences dans la zone d’intervention. Grâce à une initiative communautaire soutenue par MSF, les hommes bousculent désormais les normes sociales pour mieux soutenir les femmes victimes.

Les femmes, doublement victimes à la suite d’une agression

Pour les habitants de Salamabila, dans l'est de la province du Maniema, les ressources aurifères du Mont Namoya tout proche constitue la principale source de travail et de revenus. La gestion de cette richesse minière est également l'un des éléments déclencheurs de la spirale de violences dans le territoire. Les données recueillies au sein du projet de MSF à Salamabila révèlent que près de 80 % des agressions sexuelles ont été perpétrées par des hommes en armes, et que la majorité des victimes sont des femmes, âgées entre 18 à 30 ans.

Les victimes de violences sexuelles sont le plus souvent stigmatisées. Les femmes qui ont été violées peuvent être accusées d'être responsables de l'agression, puis déshonorées publiquement voire chassées de chez elles. Elles laissent derrière elles des familles brisées et n'ont pas la possibilité d’accéder à des soins médicaux ou à la justice pour demander réparation.

« Nous avions l'habitude de dire que si une femme était violée, c’est qu'elle a sans doute commis une grosse erreur », explique un membre de la communauté qui a participé à une séance de sensibilisation dédiée aux hommes. « Si une victime avait été violée et que cela était rendu public alors les victimes ne recevaient aucun soin », explique Agata Bindi, une femme originaire de Matete, une autre zone minière du Maniema.
Salamabia Sexual Violence
Victorine Mwanachay Rusumba (médecin urgentiste de terrain MSF) 32 ans
MSF/Carl Theunis

L'école des maris : une nouvelle approche pour sensibiliser les hommes

Depuis 2019, MSF soutient le ministère de la Santé pour améliorer la qualité des soins dans la zone de santé de Salamabila. L'insécurité, l'éloignement des structures de santé, le manque et le coût des transports sont autant d'obstacles à l'accès aux soins des populations. Dans le cadre de son programme, MSF travaille en étroite collaboration avec différentes communautés pour adapter les services à leurs besoins, et ainsi éviter des complications médicales évitables en l'absence de soins.

Bien que les femmes soient souvent le premier public visé par des actions de promotion de la santé, les hommes sont les principaux décideurs au sein des foyers et dans la communauté. A Salamabila, MSF a voulu exploiter leur influence de manière positive. Le résultat a été le lancement en 2021 du projet pilote : l'école des maris, englobant tous "les hommes de la maison", qu'il s'agisse du mari, du père ou d'un autre homme responsable au sein du foyer. Deux écoles sont aujourd'hui solidement implantées dans les communautés de Salamabila. 

 

« Elles sont organisées par des leaders locaux, qui ont eux-mêmes formé des comités. Ils organisent des débats, et nous essayons de les aider et de les orienter à travers certaines discussions », explique Yao Loukou, coordinateur du projet de MSF à Salamabila.

Les hommes se réunissent et abordent des questions relatives à la santé, aux soins de santé et aux normes sociales, ainsi que la manière dont elles affectent le bien-être des femmes et de la communauté. Ces écoles s'intéressent particulièrement à la manière de réagir face à des actes de violences sexuelles en tant qu'individu, famille ou voisins.

Invité pour la première fois, un homme se confie : « je suis reconnaissant car j'ai appris des choses que je ne connaissais pas. Une femme peut être violée mais, au lieu de commencer à la disputer et à la chasser, en tant que mari, je devrais l'emmener rapidement à l'hôpital ».

Des mentalités qui évoluent

« Maintenant, les communautés commencent à penser différemment », précise Yao Loukou. « Par exemple, je connais un homme dont la femme a été brutalement violée. Il est resté à son chevet, il s'est battu pour qu'elle bénéficie d'un soutien total. Nous voyons des maris qui sont capables d'écouter, d'apporter leur soutien et d'accompagner leur femme lorsqu'elle en a besoin ».

Dans les conversations au sein des écoles des maris, l’évolution est visible. Les femmes ont commencé à témoigner d'un grand changement chez les hommes où les écoles ont été mises en place.

Sachant qu'environ 80 % des attaques sont perpétrées par des hommes armés, notre équipe cherche également à savoir comment entrer en contact avec eux. « Nous travaillons sur une stratégie pour relever ce défi, en espérant obtenir un changement de comportement parmi les groupes armés et arriver à un point où les femmes ne subissent plus aucun type d'abus », confie Yao Loukou.

 

Raising awareness of decentralised health care among the inhabitants
Les équipes MSF organisent régulièrement des séances de sensibilisation auprès des habitants des villages où sont implantés les sites de soins. En présence du chef du village, les habitants expriment leurs inquiétudes sur les différents défis liés à leur santé. Les équipes MSF écoutent, répondent aux questions et expliquent l'importance de l'approche de soins décentralisés. 
Michel Lunanga/MSF

Les femmes également impliquées pour leur communauté

À Salamabila, MSF a formé des agents en santé sexuelle et reproductive qui peuvent intervenir directement dans les villages pour apporter les premiers soins aux victimes de violences. Ces soignants ont établi un lien de confiance suffisant pour que plus de 80 % des patients soient pris en charge dans les 72 heures après l'attaque, ce qui leur a permis d'être protégées du VIH, des maladies et infections sexuellement transmissibles, d'éviter une grossesse non désirée et de recevoir une première aide psychologique.

Ces agents et les membres d'associations locales de femmes telles que Les Femmes Dynamiques - dont beaucoup sont elles-mêmes d’anciennes victimes - ont joué un rôle essentiel dans la mise en place des écoles des femmes, également créées par MSF, dans 8 des 18 aires de santé de la zone de santé de Salamabila. Tout comme l’école des Maris, face aux normes culturelles qui empêchent les femmes de s'exprimer, ce lieu d’échange leur permet de parler librement. Elles peuvent partager leur expérience vécue dans la communauté, et nous essayons de les orienter en fonction de leurs besoins », conclut Yao Loukou.