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Violence, displacement, and malnutrition care in Masisi’s territory

RDC : la violence des acteurs armés aggrave la situation nutritionnelle dans le territoire de Masisi

Responding to war in Ukraine
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Depuis le début de l’année, plus de 800 enfants souffrant de malnutrition aigüe sévère sont admis chaque mois dans les hôpitaux de Mweso et Masisi, soit pratiquement le double en comparaison avec l’année précédente. Cette situation alarmante est paradoxale alors que le territoire de Masisi, situé à une vingtaine de kilomètres seulement de Goma, est réputé pour ses terres fertiles. Théâtre de conflits armés depuis des années, cette zone a subi une nouvelle explosion de violence suite à la recrudescence d’affrontements entre le mouvement M23, les autres groupes armés et les forces armées congolaises, détériorant une situation humanitaire déjà critique et entrainant de nouveaux déplacements.

La malnutrition n’est pas une problématique nouvelle dans le territoire de Masisi. Mais depuis le début de l’année, les équipes médicales constatent une augmentation inquiétante du nombre de cas de malnutrition aigüe sévère avec complications. Entre janvier et septembre 2023, près de 7500 enfants ont été pris en charge dans les hôpitaux de Masisi et Mweso situés dans le territoire de Masisi, où les équipes MSF appuient depuis plus de quinze ans celles du Ministère de la Santé.

« Mon enfant est tombé gravement malade mais ce qui m’a le plus marquée ce sont ses yeux : ils étaient enfoncés et vides. Alors je me suis précipitée au centre de santé et ils l’ont transféré à l’hôpital. C’est la première fois qu’un de mes enfants souffre de malnutrition » confie Micheline, déplacée, dont le fils a été hospitalisé à Mweso.

La situation nutritionnelle des enfants, en particulier dans les familles déplacées, s’est dégradée brutalement cette année principalement suite à la détérioration du contexte sécuritaire impactant directement la situation socio-économique des populations. Le manque d’accès à des structures médicales fonctionnelles explique en partie cette aggravation ainsi que le manque d’intrants nutritionnels dans les centres de santés. Les autorités sanitaires peinent à soutenir les structures médicales et à les approvisionner régulièrement.

« Ma fille a commencé à gonfler, progressivement, au visage puis dans tout le corps. Je l’ai emmenée au centre de santé où ils lui ont donné de la pâte d’arachides mais pas assez pour lui permettre de récupérer. A la quatrième visite, puisque son état s’était empiré, les médecins l’ont référée à l’hôpital de Masisi » décrit Mandela, son père.

Testimony - Micheline
Micheline, 23 ans, tient dans ses bras son fils Daniel, 10 mois, admis depuis une semaine à l'Unité Nutritionnelle Thérapeutique Intensive de l'hôpital général de référence de Mweso, au Nord-Kivu, soutenu par les équipes MSF depuis 2005 en partenariat avec le Ministère de la Santé. Micheline a trouvé refuge il y a deux ans avec son mari et ses deux enfants dans le site de déplacement de Bushanga, à côté de Mweso. Il y a une semaine, elle était très inquiète car son fils vomissait avec une forte fièvre et de la diarrhée. Elle s'est donc rendue au centre de santé qui a transféré son fils à l'hôpital pour malnutrition sévère et pneumonie. Après une semaine d’hospitalisation, la santé de Daniel s’améliore et ils pourront rentrer chez eux après le traitement nutritionnel et les consultations régulières.
Laora Vigourt/MSF

L’absence d’une prise en charge précoce de la malnutrition modérée dans les centres de santé contribue à faire basculer les enfants dans une malnutrition aigüe sévère, accompagnée de complications, dont il est plus difficile de guérir.

« Ce sont des vases communicants : si les cas simples ne sont pas traités dans les centres de santé, le nombre d’hospitalisations augmente. Aujourd’hui, il y a presque autant d’admissions dans les unités intensives des hôpitaux qu’en ambulatoire dans les centres de santé. Or, la majorité des hospitalisations pourrait être évitées si les enfants étaient traités de manière préventive dans les centres de santé » explique le Dr Nadine Neema Mitutso, responsable des activités médicales à l’hôpital de Masisi.

« Pour mettre un terme à ce cercle vicieux, il est important qu’une réponse holistique soit apportée de la part de tous les acteurs dans la région à travers des solutions durables pour faire face aux besoins nutritionnels croissants de la population » Carole Zen Ruffinen, coordinatrice du projet MSF à Mweso

Détérioration du contexte ces derniers mois

Depuis plusieurs mois, la progression du groupe M23 dans le territoire de Masisi a conduit de nombreux groupes armés non étatiques à combattre ces éléments, aux côtés des forces armées congolaises, et à accroître leurs contrôles sur plusieurs zones – accentuant une crise déjà existante.

Ces affrontements chroniques entraînent des déplacements massifs de populations et entravent l'accès aux structures médicales, marchés, écoles et aux champs. Cette situation expose les familles à une insécurité alimentaire permanente.

Le territoire de Masisi est caractérisé par ses collines verdoyantes, où l’agriculture reste l’activité économique principale et ses communautés en dépendent pour pouvoir se nourrir. Ces derniers mois, l’accès aux terres est d’autant plus restreint à cause de la présence de porteurs d’armes qui gèrent de nombreux points de contrôle et taxation sur les routes. Les habitants atteignent difficilement leurs terres et sont souvent contraints de les abandonner, laissant les récoltes derrière eux.

« À cause des hommes armés, je ne peux pas accéder aux champs tous les jours » témoigne Fahida dont le fils est hospitalisé à Masisi. « Quand on prend la route, on a peur de rencontrer des hommes armés sur le trajet. Ils exigent de l’argent et peuvent même nous tuer ou nous violer »

Avec la réduction d’échanges commerciaux, la pénurie d’approvisionnement en denrées alimentaires a également entraîné une augmentation significative des prix, rendant l'accès à une alimentation adéquate encore plus difficile. Une portion de farine de manioc coutait l’année dernière environ 500 francs, aujourd’hui cela a quadruplé – soit l’équivalent d’une journée de travail dans les champs –, pas assez pour nourrir une famille.

« Chez nous, on ne passait pas une seule journée sans manger. Mais ici, on n’a rien, notre vie est misérable » explique Sifa, qui a trouvé refuge au site de déplacés de Katale depuis quatre mois, fuyant les affrontements dans son village d’origine. « Il y a deux mois, ma fille Annika est décédée de la malnutrition à l’hôpital. Elle avait 7 ans. Nous sommes arrivés trop tard… Je vous dis, la pauvreté va tous nous tuer » confie-t-elle.

MSF appelle les autres acteurs à assurer une présence opérationnelle durable afin de prévenir les conséquences désastreuses de la malnutrition. Il est urgent que les autorités congolaises et les bailleurs renforcent les capacités d’intervention médicale au niveau des structures sanitaires du territoire, notamment en intrants nutritionnels.

Depuis 15 ans, MSF fournit des soins médicaux gratuits dans le territoire de Masisi, soutenant 2 hôpitaux généraux de référence ainsi que 12 centres de santé, en collaboration avec le Ministère de la Santé. Pour lutter contre la malnutrition, nos équipes prennent en charge les cas de malnutrition au sein de 3 unités intensives et 9 unités ambulatoires dans les zones de santé de Masisi et Mweso, fournissent des intrants nutritionnels et autres médicaments nécessaires, et sensibilisent les communautés aux signes de la malnutrition.