Depuis la mi-mai, la région de Bambo, située dans le territoire de Rutshuru dans le Nord-Kivu, est le théâtre d’une violente reprise du conflit entre le groupe armé M23/AFC, les forces armées congolaises, et leurs alliés respectifs. La ville, encerclée par les combats, est devenue un refuge pour des milliers de personnes qui racontent avoir fui des combats violents, des villages incendiés et des pillages. Médecins Sans Frontières (MSF), l’une des seules organisations médicales internationales présentes sur place, appelle à une mobilisation urgente pour protéger les civils et répondre à leurs besoins essentiels.
Un afflux massif de déplacés dans une ville encerclée par les combats
Depuis le 15 mai, des affrontements violents ont éclaté autour de la ville de Bambo, provoquant la fuite de milliers de familles et la saturation des capacités d’accueil locales. Alors que les villages environnant se vident de leurs habitants, la ville, encerclée par les combats, est devenue un dernier refuge. Beaucoup craignent la survenue d’affrontements directs entre les groupes armés dans la ville. Plus de 11 050 ménages se sont réfugiés chez des familles d’accueil, tandis que plus de 1 000 familles survivent dans des abris de fortune, des écoles ou des églises transformées en sites d’hébergement informels. Selon différents témoignages, les personnes déplacées rapportent avoir fui des scènes de violence extrême, des maisons incendiées, des villages bombardés, des pillages et des exactions commises à l’encontre de civils, dont des exécutions sommaires.
Une personne déplacée récemment arrivée à Bambo raconte, sous couvert d’anonymat : « C’était le 17 mai, les hommes en arme ont organisé un rassemblement dans le village et ils ont ordonné à toute la population de quitter le village. Le lendemain, vers 10h, on a entendu des coups de bombes venant du village de Kabizo, c'est ainsi que nous avons fui. Je suis venu à Bambo à pied avec toute ma famille, laissant derrière nous nos biens. Ici, nous n’avons pas d’abri, la vie est pénible. Nous trouvons de l’eau difficilement. On se sent humiliés de vivre ainsi. »

L’hôpital de Bambo sous pression et des besoins humanitaires immenses
L’hôpital général de référence de Bambo, soutenu par MSF, fait face à un afflux de blessés, principalement des civils victimes de balles perdues ou d’éclats d’artillerie. Le 15 mai, l’hôpital a reçu vingt blessés, trois sont décédés, et le 26 mai, dix autres blessés ont été pris en charge, suite aux affrontements dans la ville.
La situation dans la ville est critique : la majorité des déplacés sont arrivés sans rien, dormant à même le sol, sans moustiquaires ni accès suffisant à l’eau potable, au savon ou à des installations sanitaires adéquates. Les équipes médicales, bien que perturbées par l’insécurité, continuent de prendre en charge les urgences et la malnutrition sévère chez les enfants.
« Dans un contexte de ressources limitées, la situation actuelle aggrave la vulnérabilité de tous, déplacés comme résidents. Notre unité de traitement intensif pour les enfants malnutris, d’une capacité de 19 lits, est actuellement occupée à plus de 100%. Nous allons devoir étendre le nombre de lits de cette unité pour faire à cette augmentation de la malnutrition », explique François Calas, Chef de programmes MSF au Nord-Kivu.
Les conditions précaires dans les sites de déplacement font craindre l’apparition de nouvelles épidémies, notamment de choléra. Nos équipes font également état d’une augmentation du nombre de consultations de prise en charge de victimes de violences sexuelles.
Face à l’urgence, les équipes de MSF distribuent des articles ménagers à plus de 1 000 familles déplacées, mettent en place des dispositifs d’eau et d’assainissement, construisent des latrines et des douches, et renforcent temporairement l’hôpital général de Bambo pour élargir l’accès aux soins. Cependant, les centres de santé sont débordés, la réponse humanitaire demeure insuffisante et MSF ne peut couvrir l’ensemble des besoins.
« Notre unité de traitement intensif pour les enfants malnutris, d’une capacité de 19 lits, est actuellement occupée à plus de 100%. Nous allons devoir étendre le nombre de lits de cette unité pour faire à cette augmentation de la malnutrition »François Calas, Chef de programmes MSF au Nord-Kivu
MSF appelle à la protection des civils
L’accès aux populations, leur sécurité ainsi que celle des équipes de MSF sont actuellement un défi quotidien, entravant la continuité des soins et l’acheminement de biens de première nécessité. Nos équipes ont constaté qu’une balle avait traversé une tente de l’hôpital de Bambo alors que la maternité du centre de santé de Kabizo porte des traces de balle.
MSF appelle toutes les parties au conflit à respecter les structures sanitaires, les acteurs humanitaires, et à garantir la protection des civils.
Cette situation est le reflet d’une urgence humanitaire silencieuse qui se poursuit à l’Est de la RDC. Les besoins en abris, nourriture, accès à l’eau, soins médicaux et protection sont énormes. Seule une mobilisation collective permettra d’éviter une catastrophe humanitaire de plus grande ampleur.